Les réseaux sociaux sont-ils solubles dans le monde de l’entreprise ? Leur popularité grandissante est une source d’inquiétude pour les entreprises. La frontière entre le domaine professionnel des salariés et leur vie privée est de plus en plus perméable. L’attitude des employeurs envers l’utilisation de tels sites varie beaucoup et dépend de la nature de l’activité commerciale, ou de la culture d’entreprise. Certaines sociétés ont vite encouragées leur utilisation comme outil de développement commercial, d’autres en ont totalement interdit l’accès. Regard sur les aspects juridiques anglais d’un phénomène qui ne fait que grandir.
La croissance exponentielle de ces modes de communication a pris de cours le législateur. L’employeur se trouve désormais dans une situation où aucune règle ne détermine précisément quelle réaction adopter face aux propos d’un salarié sur ces réseaux sociaux qui, normalement, seraient sanctionnés s’ils étaient tenus dans l’entreprise. En pleine évolution jurisprudentielle, cette question est au coeur de l’actualité et est amenée à devenir de plus en plus fréquente. Voici quelques éléments vous permettant de gérer ce type de situation en minimisant le risque de censure de la part du juge anglais.
Jurisprudence française - En France, la jurisprudence a tendance à valider les sanctions fondées sur des propos tenus sur des réseaux sociaux. Dans la mesure où de tels propos sont en rapport avec l’entreprise ou ses dirigeants, ces faits sont susceptibles de constituer le support d’une mesure disciplinaire. Toutefois, dans un arrêt du 16 décembre 2011, la Cour d’appel de Douai a considéré que « des propos diffamatoires ou injurieux tenus par un salarié à l’encontre de l’employeur » ne constituent ni « un évènement irrésistible ou insurmontable faisant obstacle à la poursuite du contrat », ni « un cas de force majeure », et a, par conséquent, accordé des dommages-intérêts au salarié licencié sur le fondement de telles injures proférées sur un réseau social internet. Cette décision a surpris bon nombre d’observateurs avertis, car elle semble contredire des décisions précédentes. La jurisprudence n’est donc pas encore fixée, il faut attendre la position de la Cour de cassation sur cette question.
Exemples britanniques - Au Royaume-Uni, l'expérience montre que les problèmes proviennent principalement de la perception erronée de certains salariés qui pensent à tort que tout commentaire divulgué sur ces sites est du domaine privé. En effet, des salariés britanniques ayant tenu des propos dénigrant leur employeur sur un réseau social ont fait l’objet de sanctions disciplinaires et même de licenciement. Une employée de 16 ans fut ainsi licenciée pour avoir qualifié son travail d’ « ennuyeux » sur Facebook. De même, en novembre 2010, une employée de banque, ayant utilisé Facebook pour se targuer de l’indemnité de licenciement de 6 000 £ proposée par son employeur, fut licenciée sans recevoir cette prime.
Proportionnalité - Toute action disciplinaire prise par l’employeur doit toutefois être proportionnée au fait commis. Un employeur qui réagirait de manière trop virulente en licenciant un salarié pourrait avoir de sérieuses difficultés à se défendre dans le cadre d’un recours pour licenciement abusif. La question de l’application de la règle de proportionnalité dans le cadre des réseaux sociaux est également controversée. Alors que certaines entreprises peuvent se permettre d’adopter une approche libérale face à des propos dénigrants et potentiellement nuisibles à leur réputation, d’autres ne tolèrent pas ce genre de propos. Lorsque les propos tenus sont faux, diffamatoires, discriminatoires, ou sont constitutifs d’un abus de confiance, le licenciement du salarié qui en est l’auteur sera considéré raisonnable. Il est bien plus difficile de savoir si l’intervention de l’employeur est justifiée lorsque le commentaire est désinvolte ou irréfléchi. Les jeunes salariés sont habitués à dire les choses telles qu’elles sont et leur manière directe de s’exprimer sans malice peut parfois avoir des conséquences qu’ils n’ont pas prévues ou voulues. En raison de la nature même des réseaux sociaux, les commentaires irréfléchis peuvent être répandus dans le monde entier en quelques minutes, ce qui peut représenter un problème réel pour la réputation de multinationales.
Conseils pratiques - Avant toute intervention relative à des propos tenus par leurs salariés sur des réseaux sociaux à leur encontre, les entreprises doivent analyser les tenants et les aboutissants de leur éventuelle réaction. De quelle manière ces propos ont-ils été portés à l’attention de l’employeur ? Qui en est l’auteur ? Ces propos sont-ils diffamatoires ? Quels sont les dommages réels/potentiels ? Quelle est la stratégie la plus appropriée pour que l’employeur puisse protéger son activité commerciale et sa réputation tout en respectant le droit au respect de la vie privée du salarié ? Ces questions sont essentielles et faciliteront le choix d’une éventuelle sanction – proportionnée – par l’employeur. Il faut, en toute hypothèse, généralement éviter les réactions « à chaud », même en cas de propos particulièrement injurieux. Avertir son solicitor avant toute action parait également judicieux, dans la mesure où l’éventuelle sanction peut constituer le fondement d’un contentieux qu’il sera amené à gérer.
Prévenir plutôt que guérir - L’adoption d’une procédure claire et robuste permettra de responsabiliser les salariés. Une communication interne claire par l’entreprise sur sa politique concernant les propos tenus sur les réseaux sociaux sera susceptible de diminuer sensiblement les comportements à risque. Cette transparence peut passer par une modification du règlement intérieur ou un affichage de la procédure dans les locaux. Le language utilisé sera aussi important, pour ne pas s'aliéner inutilement ses salariés en apparaissant « out of touch » avec la réalité de 2012.
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