« Londres regagne sa couronne de ville la plus chère au monde pour l’immobilier de bureaux ». Le titre du dernier rapport annuel sur le marché immobilier mondial, publié par le cabinet Cushman & Wakefield il y a quelques semaines, est sans ambiguïté : Londres tient bien une place centrale dans l’écosystème de l'investissement immobilier international.
L’image ci-dessous * en offre une autre illustration : au
premier semestre 2012, Londres a été la destination de près de 50% de tous les
investissements en immobilier commercial en Europe (provenance hors
Europe) ; Paris se classe un lointain second (17%). Il faudrait ajouter
que ces investissements se sont concentrés sur certains quartiers centraux de
la capitale, poches de richesse dans un Grand Londres assez contrasté. L’argent
attirant l’argent, et l’une des clefs pour un investisseur étant un marché
liquide, Londres remplit cette condition admirablement, parmi d’autres
qualités.
L’écosystème immobilier britannique : le « landlord » a le temps pour lui
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Définitivement oui, si vous êtes un des acteurs de cette véritable industrie qu'est le monde de l'immobilier britannique : le « landlord » (notez la connotation mediavale, qui a pour lui un droit immobilier très protecteur de ses intérêts ; l’agent immobilier ; le « chartered surveyor », expert qui a pignon sur rue et aussi intermédiaire incontournable dans toute négociation immobilière ; le « solicitor », le droit anglais ne connaissant pas le notaire à la française, il se charge de la rédaction et négociation du contrat de bail et de toute la documentation (abondante !) nécessaire à formaliser un droit au bail. Pas forcément si vous êtes une entreprise qui a simplement besoin de locaux pour y loger vos salariés ou vendre vos produits : loyers élevés (avec revue à la hausse uniquement, typiquement tous les 5 ans) ; charges considérables – les fameuses « Business Rates », impôts locaux versés à la commune, peuvent représenter 30-50% de la valeur du loyer ; baux longs (10/20 ans sont courant) dont vous ne pouvez pas sortir, à moins de trouver un repreneur et d’obtenir l’accord de votre landlord. Les quartiers haut de gamme du centre de Londres – Mayfair en tête – sont détenus par quelques familles ou trusts depuis des siècles, ce qui contribue à un certain immobilisme du droit et des pratiques. A tire d’exemple, il y a quelques années j’avais négocié pour une grande marque française l’achat du bail de l’immeuble dans lequel ils louent un magasin. Le landlord ultime était le « Mayor and Commonalty and Citizens of the City of London » (nom commun : « City of London »). Durée du bail : 2 000 ans ! Les landlords anglais ont vraiment le temps pour eux…
La réponse du marché : des solutions flexibles
Face à ce marché de l’immobilier commercial très
rigide pour les locataires, on comprend mieux l’éclosion des centres d’affaires.
Bonne nouvelle pour les nouveaux entrants dans les métiers de service, qui n’ont
pas besoin de magasin dans les quartiers commerçant. L’éventail d’offres est très
variée et les prix à l’avenant, du plus simple, bon marché au plus sophistiqué,
assez coûteux. Leur dénominateur commun : la flexibilité, attribut sans
prix pour une entreprise qui démarre dans un nouveau marché et ne sait donc pas
de quoi demain sera fait : repli rapide ou expansion fulgurante, la flexibilité
est clef. Pour le secteur du commerce de détail, il faut être très bien préparé
à ce marché aux caractéristiques uniques, et prévoir un budget conséquent.
L’immobilier, squatter dans la stratégie des entreprises
On parle beaucoup de la finance comme un
secteur (trop ?) prédominant de l'économie du Royaume-Uni. On oublie trop vite
le secteur immobilier et son poids immense : poids direct en terme de chiffre
d'affaire généré par tous les acteurs du secteur ; poids indirect par son effet
'polluant' sur la stratégie des entreprises, simples occupantes de locaux.
Nombre de nouveaux entrants sur le marché britannique sous-estiment à leur péril
l'importance de l'immobilier, tant dans la vie quotidienne que dans les décisions
stratégiques ; au quotidien, le prix de l'immobilier vient souvent remettre en
cause les modèles économiques bien établis – les groupes qui distribuent leurs
produits en magasin (secteur du luxe ; distribution alimentaire) doivent ainsi
revoir leur politique de prix, leur 'point mort' étant mécaniquement relevé par
la cherté des loyers et des charges diverses ; quant à la sphère stratégique,
l'immobilier s'y invite bien souvent, et se comporte comme un immense rocher au
milieu du courant, immobile et contournable seulement au prix d'efforts disproportionnés.
La cause en est l'inflexibilité et la longue durée des baux commerciaux. Alors
que dans nombre d'autres juridictions, l'immobilier fait partie de l'intendance
– et comme on le sait, « l'intendance
suivra » – l'immobilier au Royaume-Uni est un véritable squatter de la stratégie
de l'entreprise, qu’elle le veuille ou non. Un locataire doit impérativement le
comprendre et l’intégrer à son raisonnement, faute de quoi les erreurs se payent
très cher.
Olivier Morel
19 avril 2013
* Ce tableau est paru dans le chapitre « BTP & Immobiler »
du rapport annuel 2012 des Conseillers du Commerce Extérieur
de la France - Section UK : « Crise + 5 , où en est le Royaume
Uni ? » - www.ccegb.org/publications_1. Ce chapitre est le fruit du travail de Madani Sow, Chairman Bouygues UK
& Warings ; Marc Reboux, Senior Director EMEA Tenant Representation ; et
Lionel Ravix, Managing Director British Isles, Vinci Constructions Grands
Projets.
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